Ouvrir les frontières, solution radicale face aux drames de l'immigration




Cette semaine, plusieurs bateaux de migrants ont à nouveau tenté de rejoindre les côtes européennes. Il s'agissait pour la plupart de migrants syriens qui fuient la guerre. Le conflit a déjà fait plus de 3 millions de réfugiés, la toute grande majorité étant accueillie dans les pays limitrophes de la Syrie, comme le Liban, la Turquie ou encore la Jordanie. Une infime minorité seulement arrive en Europe, laquelle ne sait plus comment réagir face à ce flux incessant. L'ouverture des frontières serait-elle une solution plausible à ce problème d'ampleur ?

"Il faut dire qu'aujourd'hui la politique européenne en matière d'asile et d'immigration est exclusivement une politique de surveillance, de contrôle des frontières et de lutte contre les passeurs", estime François Gemenne, professeur à l'ULg et spécialiste des flux migratoires.
"Je pense qu'il faut, d'une part, retrouver un véritable projet pour la politique migratoire, et, d'autre part, il faut rouvrir des canaux d'accès d'immigration légale. S'il y a autant de migrants qui tentent la traversée de la Méditerranée et qu'il y a autant de drames, c'est avant tout parce qu'il n'y a quasiment plus aucun moyen d'immigrer légalement vers l'Europe."
"Et puis bien sûr, il y a la solution la plus radicale, mais qui résoudrait le problème d'un coup : c'est évidemment celle de l'ouverture des frontières. Si les frontières sont ouvertes, le problème ne se pose plus et les passeurs n'ont plus aucun business à exploiter."
Le fantasme d'un "appel d'air"
Ouvrir les frontières de l'Europe, c'est un discours que personne ne semble pouvoir entendre, mais "ce n'est pas une raison pour ne pas le tenir", juge François Gemenne. Selon le professeur de l'ULg, il y a en effet beaucoup de fantasmes à ce propos, comme si l'ouverture des frontières signifiait "créer un appel d'air qui générerait des milliers, voire des millions de migrants".
"Je pense qu'il faut bien se rendre compte que ce n'est pas l'ouverture ou la fermeture des frontières qui crée les flux migratoires. C'est au départ la motivation de vouloir migrer, et, si des gens sont prêts à payer des sommes comme 5000 ou 6000 dollars et à risquer leur vie en Méditerranée, vous imaginez bien que ce n'est pas une frontière fermée qui va les arrêter."
"S'ils doivent tenter de franchir la frontière cinq fois, dix fois ou vingt fois, ils le feront. Ce n'est pas du tout la fermeture des frontières qui réduit les flux migratoires, elle les rend simplement plus dangereux."
Des migrants "aisés"
Les réfugiés syriens qui tentent d'entrer en Europe peuvent en fait débourser de 4000 à 8000 euros pour payer les passeurs : une somme considérable qui est révélatrice de la nature même de ces migrants que l'on retrouve à bord de cargos fantômes en Méditerranée.
"Il faut bien comprendre que, contrairement à l'image qui est renvoyée par ces bateaux, les migrants qui s'y trouvent appartiennent généralement aux classes les plus aisées de la population, commente François Gemenne. Ce sont les seuls qui peuvent payer un tel prix pour une traversée de la Méditerranée. Les plus pauvres, les plus défavorisés, n'ont évidemment pas les moyens de payer des sommes à ce point faramineuses et sont donc coincés chez eux."
"C'est dire la détermination des migrants à rejoindre les côtes européennes, à essayer de trouver asile en Europe, en sachant qu'ils doivent débourser une somme considérable et qu'ils vont risquer leur vie."
Peu solidaire, l'Europe évite le problème
On sait que la plupart des réfugiés syriens se trouvent dans les pays limitrophes de la Syrie : Turquie, Jordanie et Liban. Mais combien l'Europe en accueille-t-elle ?
"Très, très peu, répond le spécialiste des flux migratoires. On estime que moins de 5% des réfugiés syriens ont été accueillis en Europe. Très clairement, l'Europe n'a pas pris sa part dans l'accueil des réfugiés de la crise en Syrie. Ce sont les pays limitrophes qui ont accueilli l'essentiel des réfugiés et on voit aujourd'hui ce que cela donne."
Peut-on pour autant parler d'égoïsme de la part de l'Europe ou est-ce qu'il s'agit simplement d'être raisonnable ? Pour François Gemenne, "c'est davantage que de l'égoïsme, c'est du cynisme, c'est simplement le souhait de se laver les mains du problème et l'Europe est très heureuse de laisser les autres gouvernements (la Turquie, la Jordanie, le Liban) accueillir ces réfugiés."
"Et, même aujourd'hui, quand on voit les cargos qui arrivent en Europe, il n'y a aucune solidarité de la part des autres pays européens : tous les autres États sont très heureux de laisser l'Italie se dépatouiller toute seule face à ce problème."
T. Mignon avec F. Wallemacq
http://www.rtbf.be/info/monde/detail_ouvrir-les-frontieres-solution-radicale-face-aux-drames-de-l-immigration?id=8707304

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