La solitude des enfants mâles - Le Soir 16/1/2007

Chine Un rapport officiel maintient la politique de l'enfant unique



La justesse de la politique de l'enfant unique est régulièrement remise en question sur la scène nationale, mais visiblement la Chine n'est pas près d'y mettre un terme. Un rapport de la Commission de la population nationale et du planning familial, concluant trois années d'enquête sur ses politiques natalistes, a en effet recommandé sans ambiguïté la poursuite du contrôle démographique.



Mis en place en 1979, il aurait permis selon Pékin d'empêcher la naissance de 400.000.000 enfants - un chiffre d'autant plus discuté par les experts mondiaux que les autorités refusent toujours de prendre en compte ou au moins d'estimer le nombre d'enfants « noirs » - non déclarés.





Selon les auteurs du rapport, le pays ne serait économiquement et socialement pas aujourd'hui en mesure de supporter une charge supérieure à celle de sa population actuelle. Pourtant, la Chine vivrait actuellement le quatrième pic de naissances enregistré depuis la création de la République populaire (après ceux de 1949, 1962 et 1987). Ce phénomène devrait favoriser la hausse de sa population : après avoir augmenté de 7,68 millions de personnes à 1,307 milliard en 2005, chiffres officiels du dernier recensement, celle-ci devrait atteindre 1,36 milliard en 2010, 1,45 milliard en 2020 et enfin 1,5 milliard en 2033. Le nombre d'habitants devrait ensuite légèrement diminuer à partir de cette date.



Si ces chiffres corroborent les récentes études réalisées sur ce thème, les prédictions sur les conséquences néfastes de cette hausse démographique sont particulièrement mises en avant par les auteurs de l'étude. Elles pourraient en effet ébranler l'ordre politique. Tout d'abord, la population active (les hommes et femmes entre 15 et 64 ans) devrait s'élever à 1,01 milliard en 2016. Le pays doit donc créer dans les dix prochaines années au moins 200 millions d'emplois, ce qui ressemble à une réelle gageure. D'autant que les villes, jusqu'alors plutôt épargnées, seront fortement touchées par l'arrivée de 300 millions de ruraux, ces fameux migrants que le gouvernement estime à 150 millions.



« Le nombre de travailleurs dans les villes continuera à augmenter chaque année de 24 millions, mais la croissance économique et les départs à la retraite ne devraient rendre que 11 millions d'emplois disponibles », avait expliqué en novembre dernier Tian Chengping, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale. Il avait ainsi limité son objectif au maintien du taux de chômeurs urbains sous la barre des 5 % d'ici à 2010 - avec un objectif officiel de 4,6 % pour 2006.



Trouver du travail à ces nouveaux venus ne serait néanmoins répondre qu'à une partie de l'équation : le gouvernement se doit, surtout, de mettre en place un système de protection sociale et d'éducation à leur intention. Sans le développement d'une réelle protection, les plus de 60 ans (qui passeront de 143 millions aujourd'hui à 430 millions en 2040) devront compter sur les revenus de leur progéniture, qui elle-même aura déjà bien du mal à trouver un emploi.



Surtout, et c'est là l'un des points principaux du rapport, ce poids financier s'avérerait d'autant plus lourd que cette progéniture se réduit bien souvent à un enfant, pour ne pas dire majoritairement à un fils. Alors que le nombre de naissance de garçons se situe en moyenne dans le monde entre 103 et 107 pour 100 filles, en Chine il était de 109 en 1982, 111 en 1990, 117 en 2000 et 118,6 en 2005. Il atteindrait même 130 dans des provinces industrielles comme le Guangdong, dans le sud-est du pays.



En 2020, plus de 30 millions d'hommes entre 20 et 45 ans ne seront donc mathématiquement pas en mesure de trouver une épouse, ce qui, selon le rapport, « pourrait mener à une instabilité sociale ». Le rapport ne précise pas comment prendre en charge ces célibataires ou rééquilibrer le taux de naissance garçons/filles, mais annonce que le comportement actuel, qui consiste à se rendre dans des pays voisins à la recherche de partenaires, devrait largement se développer. Heureuses perspectives... 



Tristan De Bourbon