Les nouvelles fractures de l'espace européen (carte de synthèse)









Que nous montre cette carte de synthèse?






Premièrement, elle nous interroge sur les frontières (surtout orientales) de l'Europe. C'est quoi l'Europe finalement? Depuis notre plus jeune âge on nous apprend que celle-ci constitue un continent de l'Atlantique à l'Oural, un "être géographique" préexistant, un espace délimité à priori. La réalité est un peu moins évidente. En effet, la fin du rideau de fer et la chute des régimes communistes dans l

es PECO il y a 20 ans ont redéfinis les limites de l'Europe. La reconnaissance de la Turquie comme Etat candidat à l'entrée dans l'UE jette un flou encore plus important sur ces mêmes frontières. Mais où s'arrête l'Europe? La Russie en fait-elle partie ou pas? Elle a bien participé au dernier championnat d'Europe de football en 2008 pourtant, tout comme Israël et la Géorgie (du moins pendant les phases qualificatives)! Mais alors, c'est quoi l'Europe finalement?Une réponse peut être trouvée en avançant le concept d'européanité qui définit la notion d'Europe selon un contenu politique, social et culturel plutôt que purement géographique (c'est le monde à l'envers, car en géographie on se pose la question du "où ?" d'abord avant de se demander "quoi?"). Ce concept permet de définir une Europe à "géométrie variable" formée d'auréoles concentriques englobant des espaces cumulant plus ou moins les critères d'européan

ité (date entrée dans l'UE, monnaie unique, proximité des institutions européennes, etc.). A l'Ouest, les Etats cumulent tous les critères d'européanité. Le "gradient d'européanité" décroît d'ouest en est. Cette définition de l'Europe permet de visualiser qu'il y a d

es lieux "plus européens" que d'autres depuis longtemps mais que cette situation

n'est pas figée.



Deuxièmement, elle permet d'observer une organisation de l'espace centre-périphérie avec une "dorsale européenne" (de la mer du Nord au Nord de l'Italie selon l'expression réputée de R. Brunet) concentrant échanges, richesses, activités économiques et population. La dorsale existait déjà il y a plusieurs siècles, lorsque les marchands de Bruges et d'Anvers réalisèrent des échanges commerciaux intensifs avec leurs homologues Génois et Vénitiens en empruntant l'axe rhénan et les vallées alpines. Cette dorsale s'appuie sur un noyau de richesse ou "hypercentre" constitué par le "Ring" (expression inventée par R. Brunet également. Voir l'article qu'il a écrit dans la revue Mappemonde). Cette zone d'hyper concentration de richesse est jalonnée par une série de grandes agglomérations urbaines (Londres, la Randstad, la Westphalie, Francfort, Zurich et Paris). Il est curieux de constater que les deux capitales européennes (Bruxelles et Strasbourg) sont situées aux alentours des deux foyers de l'ellipse du Ring et que Luxembourg (autre ville accueillant des Institutions) est située en son centre!





Autour de ce centre gravitent deux périphéries. La première périphérie (de l'Irlande à l'Italie centrale en passant par le nord de l'Espagne et le sud de la France) est en fait une périphérie en pleine mutation. En effet, les évolutions technologiques et les progrès rapides effectués dans les territoires de cette couronne (Bavière, région PACA, Catalogne, Irlande) ont propulsés ces régions hors de leur situation de marasme économique qui était la leur il y a 20 ans. Le centre de gravité de la richesse européenne a migré vers le sud-ouest, tant à cause des crises de la vieille Europe industrielle que des progrès enregistrés au Sud, il faut bien le dire! Cependant, la récente crise économique a révélé la fragilité de ces "économies miraculeuses" vivant au-dessus de leurs moyens. En effet, en misant tout sur la construction de logement sans vision à long terme, le gouvernement irlandais a peu diversifié ses rentrées fiscales et paie aujourd'hui le prix fort de l'éclatement de la bulle immobilière. Le "tigre celtique" subit de plein fouet la crise et aura beaucoup de mal à s'en remettre. Selon les chiffres d'Eurostat, la récession en Irlande aurait atteint -7,5 % du PIB en 2009 (voir tableau) alors qu'en 2000 la croissance atteignait presque la barre des +10 % (+9,4 % exactement). Le taux de chômage a culminé en décembre 2009 à 13,3 % (moyenne UE27 = 9,6 %) de la population active alors qu'il n'était que de 9% en janvier de la même année (voir tableau). Le déficit public s'est aussi largement creusé. En 2008 il dépassait la barre des 7 % du PIB alors que la moyenne de l'UE27 n'était que de 2,3%! Seule la Grèce a fait moins bien qu'elle (voir un article de RFI sur les problèmes financiers de la Grèce).

La deuxième périphérie est beaucoup plus profonde. Elle englobe tous les nouveaux arrivants (PECO) mais aussi les pays candidats et futurs candidats (Turquie, Républiques de l'ex-Yougoslavie) mais aussi le Portugal, le sud de l'Espagne et de l'Italie avec la Sicile. Cette seconde couronne située aux marges de l'Union européenne accuse un retard économique relativement important par rapport à la dorsale et aux pôles dynamiques du Ring européen. En effet, le PIB/hab. (en SPA) ne dépasse guère 40 % de la moyenne de l'UE27 en Bulgarie, 45 % en Roumanie, 55 % en Lettonie et 57 % en Pologne! Les Etats candidats ne font pas mieux. La Macédoine se situe seulement à 32,5 % du PIB/hab. moyen de l'UE27 et la Turquie à 45,5 %. Quand le PIB par habitant d'un roumain vaut un, celui d'un luxembourgeois est 20 fois plus élevé! Seules la Slovénie et la République tchèque arrivent plus ou moins à sortir la tête de l'eau avec des niveaux respectivement de 90 % et 80 % de la moyenne communautaire (voir carte ci-contre - voir l'annuaire régional d'Eurostat).





A l'intérieur des PECO, les contrastes sont tout aussi saisissants! En effet, les investissements étrangers, qui tirent les secteurs les plus performants de l'économie, sont très fortement concentrés, non seulement dans certains pays, mais aussi dans certaines régions. Ainsi, les régions capitales attirent plus de la moitié des investissements directs étrangers de la zone. Ces régions sont engagées dans un processus de rattrapage rapide quand elles n'ont pas déjà dépassé le niveau de richesse moyen de l'UE27. Si le PIB par habitant de la région de Budapest s'élève déjà en 2006 à 105 % de la moyenne de l'UE27, celui de la région de Bratislava la dépasse (148,7 %); quant à la région de Prague, elle atteint 162 % de la moyenne européenne.









  • Le rattrapage de ces régions les plus avancées repose, premièrement, sur des spécialisations récentes, développées grâce à l'importation de capitaux, de savoir-faire et de technologies venues de l'Ouest par des investisseurs soucieux de conquérir des nouveaux marchés.

  • Deuxièmement, ces régions bénéficient également des choix politiques de leurs gouvernements en matière de politique fiscale qui consiste à taxer faiblement les entreprises qui désirent y investir. En réalité, les entreprises multinationales, soucieuses de maximiser leurs profits, font pression sur les PECO afin de diminuer, ce qu'elles appellent, la "pression fiscale". Conséquences, ces "paradis fiscaux" ne génèrent plus assez de recettes fiscales et d'impôts indispensables afin de garantir des services sociaux de qualité et des institutions publiques fortes, tout cela, au préjudice de la population locale. Comme si cela ne suffisait pas, ces mêmes travailleurs de l'Est, doivent faire face à la pression salariale qui leur est imposée par leurs nouveaux employeurs soucieux, comme déjà rappelé ci-dessus, de maximiser leurs profits en diminuant les coûts et donc les salaires. Ces dumpings (fiscal et salarial) créent une concurrence déloyale au sein de l'espace de l'UE engendrant une course vers le bas des salaires dans les PECO ne permettant pas à la grande partie des travailleurs de vivre normalement et une diminution des acquis sociaux à l'Ouest. Le différentiel de coût salarial est ainsi considérable entre les PECO et les pays de l’UE15 : le coût horaire du travail varie de un à cinq entre les deux groupes de pays. Les délocalisations d’entreprises d’Ouest vers l’Est sont donc à craindre si elles n’ont pas déjà eu lieu ! Mais il faut tenir compte de la productivité de la main-d’œuvre, nettement plus faible à l’Est, même si elle augmente rapidement dans les secteurs ouverts aux capitaux étrangers. Ce qui limite l’incitation à délocaliser. Cependant, un travailleur roumain, par exemple, permettra plus rapidement à une multinationale cotée en bourse d’atteindre la plus haute rentabilité financière exigée par les actionnaires majoritaires de la société qu’un travailleur belge ou allemand. En effet, même si il n’a pas encore atteint le niveau d’efficacité de son homologue de l’Ouest, il reste considérablement moins cher, moins bruyant, plus flexible et moins cher à l’entretien ! (Phrase tirée du DVD "Full option" de Vincent Bruno - voir documentaire dans son intégralité)







    Proposition de synthèse : fond de carte






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